AYITI AN AVAN

Des membres de gangs armés ont défilé hier lors d’une manifestation contre le Premier ministre haïtien Ariel Henry à Port-au-Prince. (Photo AP)

Les habitants, livrés à eux-mêmes, ramassent les cadavres dans des brouettes après une nuit de terreur.

PORT-AU-PRINCE — Dans la nuit du 24 au 25 février 2025, une attaque d’une violence inouïe a frappé les quartiers de Delmas 30, Tabarre 25 et 27. Des gangs armés, membres de la coalition Viv Ansanm, ont massacré des dizaines de personnes dans leur sommeil, incendié des maisons et laissé les survivants transporter leurs morts dans des brouettes, faute de secours. Témoins et rescapés décrivent une scène d’horreur absolue, tandis que l’État, impuissant, laisse le pays sombrer.

Une attaque méthodique, un massacre prémédité

« Ils ont pris le quartier par surprise. Les membres de la brigade de vigilance étaient en train de se reposer lorsque les malfrats ont fait irruption », témoigne une rescapée, encore sous le choc. « Ils ont commencé par égorger des riverains à l’arme blanche pour ne pas éveiller de soupçons. Après, ils ont utilisé leurs fusils d’assaut. »

Le lendemain matin, les rares survivants se sont retrouvés seuls face à l’horreur. Sans ambulance, sans morgue accessible, ils n’ont eu d’autre choix que d’utiliser des brouettes pour évacuer les cadavres. « On n’a pas le choix. Si on les laisse là, les chiens vont les manger », explique Alex Josué, un habitant de Delmas 30.

Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux montre un groupe d’hommes poussant une brouette où s’entassent des corps. « On pousse nos morts comme des sacs de charbon, c’est inhumain », déclare un rescapé. Plus loin, une femme pleure en serrant contre elle un morceau de tissu noirci par les flammes.

Une ville livrée aux gangs, une population en détresse

Selon des sources locales, au moins une quinzaine de personnes ont été tuées dans ces attaques, mais ce chiffre pourrait être bien plus élevé. « Il y a des morts. Le RNDDH n’a pas encore de chiffres précis », déclare Pierre Espérance, directeur de cette organisation de défense des droits humains.

Dans un contexte où 85 % de Port-au-Prince est sous contrôle des gangs, selon l’ONU, l’État haïtien semble paralysé. « Si cela continue, on devra fuir le pays par la mer », confie une femme dont son mari et ses deux enfants ont été lynchés.

Le Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, confronté à cette spirale de violence, a déclaré lundi : « Nous sommes en guerre contre les gangs. Nous nous engageons sans répit pour permettre à la police, à l’armée et à la MMAS de rétablir l’ordre. » Mais sur le terrain, la réalité est tout autre : la police, sous-équipée et en sous-effectif, peine à contenir la vague de violence.

Une crise humanitaire ignorée

La communauté internationale, malgré les appels de l’ONU, tarde à réagir. Plus d’un million de personnes sont désormais déplacées en Haïti, soit trois fois plus qu’il y a un an, selon l’Organisation Internationale pour les Migrations. Les agences humanitaires alertent sur une « vague de brutalité extrême », alors que l’aide peine à arriver dans les zones les plus touchées.

« Nous sommes profondément alarmés et consternés par l’intensité inhumaine de la violence qui s’abat sur Haïti », indique un communiqué d’un regroupement d’ONG et d’agences onusiennes.

Pendant que les dirigeants continuent de se succéder sans apporter de véritable changement, la population de Port-au-Prince vit une descente aux enfers. À Delmas 30, un homme regarde sa maison en ruines et murmure : « Ils ont brûlé mon père à l’intérieur. » Un silence suit, plus lourd que les cendres qui recouvrent le sol.

Peut-on encore parler de la vie en Haïti ? Les haïtiens, ne sont-ils pas devenus des fantômes errants? Face au massacre, les dirigeants restent silencieux : sont-ils indifférents ou attendent-ils simplement ce fléau les atteigne là où ils se cachent ? Pourquoi les gangs sèment-ils la terreur dans leur propre pays, et quelles sont leurs véritables motivations ?