Port-au-Prince, jeudi 31 Juillet 2025 – Dans un contexte de crise multidimensionnelle qui secoue Haïti, l’Organisation des États américains (OEA) a rendu public un projet de feuille de route visant à appuyer les efforts des autorités haïtiennes pour restaurer la sécurité, relancer la gouvernance et poser les bases d’un développement durable. Ce document, conçu comme un outil de pilotage, mobilise partenaires régionaux et internationaux autour de cinq axes prioritaires et prévoit un financement estimé à 1,3 milliard de dollars.

Une initiative pilotée par Haïti avec l’appui régional et international
Le document est présenté comme un cadre d’action « mené par Haïti », et soutenu par divers partenaires : la CARICOM (via son groupe de personnalités éminentes), le BINUH, les agences onusiennes, le système interaméricain (BID, OPS, IICA), ainsi que la diaspora, la société civile, le monde universitaire et les principaux bailleurs internationaux. L’objectif est de garantir une coordination efficace et alignée sur les priorités nationales.
La feuille de route affirme que toutes les interventions doivent partir des besoins identifiés par les autorités haïtiennes, tout en impliquant les institutions nationales, les collectivités locales et la société civile pour garantir légitimité et durabilité.
Cinq piliers pour répondre à l’urgence et bâtir l’avenir
La stratégie s’articule autour de cinq piliers complémentaires :
1. Stabilisation de la sécurité
2. Consensus politique et soutien à la gouvernance
3. Processus électoral et légitimité institutionnelle
4. Réponse humanitaire
5. Développement durable
Sur le plan budgétaire, 908,2 millions de dollars sont prévus pour la réponse humanitaire, 96 millions pour la stabilisation sécuritaire, 5,1 millions pour la gouvernance et le dialogue politique, et 104,1 millions pour le processus électoral.
Sécurité : reconstruire l’appareil sécuritaire haïtien
Le plan prévoit un processus de refondation des institutions de sécurité, notamment à travers la professionnalisation de la PNH, le développement de la police communautaire, le renforcement du contrôle aux frontières et la lutte contre le trafic illicite d’armes et de drogues.
Il s’agit aussi de mettre en place un mécanisme d’évaluation de la sécurité nationale, d’investir dans la formation et l’équipement des forces de l’ordre, et de réactiver les mécanismes de contrôle civils. Le déploiement de la PNH dans les zones à haut risque fait également partie des mesures envisagées.
Gouvernance et réforme constitutionnelle : vers un nouveau contrat social
Le second pilier reconnaît que les crises politiques récurrentes en Haïti trouvent racine dans des faiblesses institutionnelles : déséquilibre entre pouvoirs, gouvernance locale fragile, indépendance judiciaire limitée, etc. Le projet appelle à un dialogue national inclusif autour d’une réforme constitutionnelle et d’une vision politique commune.
Sept étapes sont proposées pour y parvenir, allant de l’ouverture d’un dialogue exploratoire à la mise en œuvre d’une nouvelle constitution, en passant par des séances publiques, des campagnes de sensibilisation et la validation populaire du texte.
Vers des élections crédibles et un renforcement institutionnel
Pour restaurer la légitimité institutionnelle, le projet prévoit d’organiser un processus électoral structuré et transparent. Ce pilier vise à rétablir les mécanismes démocratiques, renforcer l’État de droit, et préparer une gouvernance stable au-delà de février 2026, date symbolique dans l’histoire politique haïtienne récente.
Réponse humanitaire et développement durable
Le pilier humanitaire, le plus fortement doté, vise à répondre à l’urgence immédiate : insécurité alimentaire, accès à l’eau, services de santé, logement, éducation, emploi. Le plan inclut également des activités pour la résilience communautaire et la reconstruction durable à l’horizon 2028.
Un contexte d’extrême urgence
Le projet de feuille de route rappelle les chiffres alarmants :
Plus de 1,3 million de déplacés internes en Haïti, soit le taux le plus élevé de déplacés par habitant au monde (OIM, 2025).
5 600 morts en 2024 liées à la violence des gangs, qui contrôlent près de 90 % de Port-au-Prince.
4,7 millions de personnes en insécurité alimentaire aiguë (PAM).
Plus de 60 % sans accès à l’eau potable, 30 % avec un accès régulier aux soins, et seulement 25 % des établissements de santé fonctionnels dans les zones critiques.
2 millions d’enfants non scolarisés, 300 écoles détruites, 40 % de chômage, 25 % d’inflation, et 40 % des Haïtiens vivant sous le seuil de pauvreté (Banque mondiale 2025).
Une feuille de route comme levier de reconstruction
En résumé, ce plan préliminaire représente une tentative ambitieuse de coordonner les efforts autour d’une vision haïtienne, appuyée par la communauté internationale. Il ne remplace pas les initiatives existantes, mais cherche à les intégrer dans un cadre stratégique cohérent, évolutif et aligné sur les priorités nationales. Si adopté, il pourrait devenir un outil central pour orienter la transition vers la stabilité politique, la sécurité, et le développement durable d’Haïti.