Port-au-Prince, vendredi 11 juillet 2025 – La crise sécuritaire en Haïti s’aggrave à un rythme alarmant. Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), près de 27.500 personnes ont été forcées de fuir leur foyer entre le 3 et le 10 juillet 2025, principalement dans la commune de Mirebalais, après de nouvelles attaques armées perpétrées par des gangs dans la 2e section communale de Sarazin, département du Centre.

Ces violences ont entraîné le déplacement de 6.700 ménages, non seulement à Mirebalais, mais également dans la commune voisine de Lascahobas. La majorité des déplacés ont trouvé refuge à Belladère, tandis qu’un autre groupe s’est dirigé vers Cornillon Grand-Bois, dans le département de l’Ouest.
Une région autrefois paisible, désormais assiégée
Autrefois relativement épargné par les conflits, le département du Centre est devenu depuis mars 2025 un nouveau terrain d’action des groupes armés, notamment à Saut-d’Eau et Mirebalais. L’OIM décrit une détérioration rapide de la situation sécuritaire dans la région.
Ces déplacés rejoignent une population déjà en détresse : plus de 1,3 million de personnes ont été déplacées à l’échelle nationale depuis l’explosion des violences liées aux gangs.
Réponse humanitaire paralysée par le manque de financement
La réponse humanitaire fait face à un obstacle majeur : le Plan de réponse humanitaire 2025 pour Haïti est le moins financé au monde, avec seulement 8 % des 908 millions de dollars nécessaires reçus à ce jour, soit à peine 75 millions de dollars.
Cette insuffisance financière compromet sérieusement les capacités des agences humanitaires à répondre aux besoins des populations déplacées, notamment en matière d’abris, de nourriture et de soins médicaux.
La violence s’étend bien au-delà de la capitale
Un rapport conjoint du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) et du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) met en lumière une hausse marquée de la violence en dehors de Port-au-Prince, en particulier dans le Bas Artibonite, le Centre, Ganthier et Fonds-Parisien.
Entre octobre 2024 et juin 2025, plus de 1.000 personnes ont été tuées, 213 blessées et 620 enlevées dans ces régions. Le bilan national s’élève à 4.864 meurtres pour la même période.
Les gangs veulent contrôler les routes stratégiques
L’ONU tire la sonnette d’alarme sur la stratégie territoriale des gangs, qui cherchent à dominer les principaux axes routiers reliant Port-au-Prince au Nord et à la frontière dominicaine. Ce contrôle leur permet de renforcer leurs trafics d’armes, de drogues et de personnes, menaçant d’exporter la violence vers d’autres pays de la Caraïbe.
Le manque de présence de l’État haïtien et des institutions internationales dans ces zones rend la situation encore plus critique.
Des groupes d’autodéfense hors de contrôle
Parallèlement à la violence des gangs, le rapport dénonce aussi des exécutions extrajudiciaires commises par des groupes d’autodéfense et des abus attribués aux forces de sécurité haïtiennes contre des individus accusés, parfois sans preuve, de collusion avec les gangs.
Ulrika Richardson, cheffe par intérim du BINUH, souligne que les violations des droits humains se multiplient dans les zones où l’État est pratiquement absent, laissant la population totalement vulnérable.
Recommandations de l’ONU : désarmement, renforcement de la mission internationale
Pour faire face à cette crise multiforme, le rapport appelle la communauté internationale à :
Renforcer la Mission multinationale d’appui à la sécurité, dirigée par le Kenya ;
Maintenir la capacité opérationnelle du BINUH pour continuer à appuyer la gouvernance et la défense des droits humains en Haïti ;
Appliquer pleinement l’embargo sur les armes à destination d’Haïti.
Selon Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le peuple haïtien est piégé dans une spirale de violence sans fin, pris entre les exactions des gangs, les représailles des groupes d’autodéfense et les abus d’une police débordée.