“Nous devons offrir au peuple les résultats qu’il attend”
Ce mercredi 7 août 2025, comme prévu dans le cadre de la rotation instaurée depuis avril 2024, Laurent Saint-Cyr a officiellement assumé la présidence du Conseil présidentiel de Transition (CPT). Il devient ainsi le quatrième dirigeant à occuper cette fonction, succédant à Fritz Alphonse Jean. Cette transition intervient dans un contexte particulièrement critique, marqué par la violence généralisée et une crise politique persistante.

Une passation sous haute tension à la Villa d’Accueil
La cérémonie officielle de passation s’est déroulée à la Villa d’Accueil, en présence du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, des membres du Conseil, de représentants des institutions publiques, ainsi que du président du Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire. Lors de son discours inaugural, prononcé en créole, Laurent Saint-Cyr s’est voulu ferme et lucide : « L’heure n’est plus aux discours. Il est temps de passer à l’action », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « Trop de sang a été versé, trop de temps gaspillé. »
Un secteur privé désormais en première ligne
Laurent Saint-Cyr, originaire du monde des affaires, forme un duo exécutif inédit avec le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, lui aussi issu du secteur privé. Jadis influents en coulisses, les acteurs économiques occupent aujourd’hui le devant de la scène politique. Conscient des critiques, le nouveau président du CPT a tenu à rassurer : « Je suis ici pour représenter tous les secteurs, sans aucun favoritisme. »
Il a aussi rendu hommage au rôle vital des entrepreneurs, des commerçantes de rue (madan sara), des agriculteurs et des artisans, qu’il a salués pour leur résilience face au chaos ambiant.
La sécurité, priorité absolue du mandat
Dans son intervention, Laurent Saint-Cyr a placé la sécurité publique au cœur de son programme. Il a promis de reprendre le contrôle des territoires occupés par les gangs armés : « Les groupes criminels ne dictent pas l’avenir de ce pays », a-t-il martelé, rendant hommage aux victimes de la violence et aux policiers tombés en service.
Ce message fort vise à rassurer une population exténuée par les enlèvements, les massacres, les déplacements forcés et l’effondrement de l’ordre public.
Un Conseil fragilisé par les divisions internes
Le système de rotation de la présidence tous les cinq mois, censé favoriser l’équilibre au sein du CPT, a montré ses limites. Laurent Saint-Cyr prend la tête d’un organe traversé par de profondes dissensions. Il a reconnu ces failles et appelé à une nouvelle dynamique plus unifiée : « L’unité est essentielle. Nous devons conjuguer nos efforts pour répondre aux attentes du peuple. »
Peu après son investiture, dans une déclaration publiée sur son compte X, le nouveau coordonnateur du CPT a renforcé son message avec gravité :
« Aujourd’hui, c’est avec beaucoup d’humilité, de détermination et un profond sens du devoir patriotique que j’accepte la lourde responsabilité de devenir le coordonnateur du Conseil présidentiel de transition. Notre pays traverse l’une des plus graves crises de son histoire. La vie et l’avenir de plus de 12 millions de femmes, d’hommes, d’enfants et de personnes âgées dépendent des décisions que nous devons prendre ensemble dans les jours et les semaines à venir. La situation est critique. Ce n’est plus le temps des beaux discours. Il faut agir. Trop de sang a coulé, trop de temps a été perdu. Nous devons unir nos forces pour offrir au peuple les résultats qu’il attend. »
Foule en liesse, mais scepticisme ambiant
En parallèle de la cérémonie, des centaines de citoyens vêtus de t-shirts blancs et brandissant des pancartes à l’effigie de Saint-Cyr ont marché dans les rues de Pétion-Ville pour soutenir l’entrée en fonction du représentant du secteur privé. Toutefois, ce soutien populaire contraste avec une certaine méfiance observée dans plusieurs cercles politiques et sociaux, où l’on questionne la capacité réelle du secteur privé à piloter une transition aussi complexe.
« Le peuple est fatigué des discours. Il veut des résultats concrets », a lancé un jeune manifestant rencontré lors du défilé.
Un départ critiqué pour Fritz Alphonse Jean
Le président sortant, Fritz Alphonse Jean, n’a pas dressé de bilan exhaustif de sa présidence. Il a préféré dénoncer les lourdeurs administratives qui, selon lui, ont entravé la mise en œuvre de ses projets. Il en a profité pour saluer le travail de Leslie Voltaire, notamment sur le dossier du port du Grand Sud. Concernant le budget d’urgence prévu pour faire face à la crise, il a révélé que seuls 20 % des fonds avaient été effectivement utilisés.
Menaces de gangs et forte présence policière
Un important dispositif de sécurité a été mobilisé autour de la Villa d’Accueil et de la Primature. Cette mobilisation répondait à une menace directe du chef de gang Jimmy Chérizier, alias « Barbecue », qui avait juré, la veille, de prendre d’assaut les bâtiments du Conseil et du Premier ministre. Des rafales d’armes automatiques ont été entendues dans plusieurs quartiers de la capitale dans la nuit du 6 août, renforçant l’inquiétude autour de la cérémonie.
Un mandat sous pression
Le mandat de Laurent Saint-Cyr débute sous haute pression. Entre la montée de l’insécurité, les divisions internes du CPT et les attentes d’une population exaspérée, le défi est immense. S’il veut réussir là où ses prédécesseurs ont échoué, il devra faire preuve à la fois d’audace, de fermeté et d’un sens aigu du dialogue. Reste à voir si le secteur privé, désormais à la tête de l’exécutif transitoire, saura transformer cette crise en véritable tournant pour le pays.