
États-Unis, Vendredi 18 avril 2025 – Face à l’escalade dramatique de la violence en Haïti, le gouvernement américain envisage actuellement de désigner officiellement les principales coalitions armées en Haïti, notamment Viv Ansanm et Gran Grif, comme des organisations terroristes. Cette désignation ouvrirait la voie à une riposte beaucoup plus sévère, élargissant la juridiction américaine non seulement aux chefs de gangs, mais aussi à toute personne ou institution (y compris au sein du gouvernement haïtien) leur fournissant une aide, des armes ou un financement.
Selon le secrétaire d’État Marco Rubio, cette mesure est une réponse directe à l’effondrement sécuritaire haïtien, qui menace non seulement la survie de plus d’un million de déplacés internes et une famine imminente, mais aussi les intérêts sécuritaires de la région et des États-Unis. Washington souhaite en finir avec l’impunité dont jouissent les fournisseurs de soutien matériel aux gangs, que ce soit aux États-Unis, en Colombie ou ailleurs.
Vers un transfert des détenus vers El Salvador
Selon le Miami Herald, l’une des mesures les plus controversées serait le transfert de membres de gangs haïtiens vers la prison de haute sécurité CECOT, au Salvador, la plus grande d’Amérique latine, où des membres de MS-13 et de Tren de Aragua sont déjà incarcérés. Cette prison, souvent décrite comme un camp de concentration moderne, ne pourrait cependant recevoir des Haïtiens qu’avec l’accord explicite du Ministère de la Justice haïtien.
Des implications redoutées
Si certains avocats et politiciens haïtiens soutiennent cette désignation pour des raisons de sécurité, d’autres, au sein du gouvernement de transition, se montrent hésitants, redoutant les conséquences économiques : perte de financements, impact sur les assurances, frein aux investissements et au tourisme. Comme l’a souligné Barbara Llanes, ancienne procureure du Département de la Justice américain, la désignation d’un groupe comme terroriste peut transformer la perception internationale d’un pays.
Réaction mitigée et mobilisation politique
Des voix s’élèvent en Haïti pour réclamer cette désignation. Un groupe de cinq leaders politiques haïtiens, dont Claude Joseph et André Michel, a adressé une lettre de trois pages au secrétaire d’État américain :
« Les activités de ces gangs nuisent non seulement aux haïtiens, mais à la sécurité de toute la région. Si 5 600 personnes ont été exécutées en 2024 et 1 045 000 déplacées, les États-Unis ont tout intérêt à considérer Viv Ansanm comme une organisation terroriste. »
Une nouvelle doctrine
Sous l’administration Biden, les États-Unis avaient évité jusqu’ici de franchir ce pas, optant plutôt pour des sanctions ciblées et des annulations de visa. Mais avec l’administration Trump de retour, la stratégie a basculé. S’appuyant sur des lois d’exception comme le Patriot Act et l’Alien Enemies Act, l’administration déporte désormais des étrangers présumés membres de groupes terroristes vers des prisons étrangères sans procès, comme ce fut le cas pour plus de 200 Vénézuéliens.
Un précédent dominicain
En février 2025, le président dominicain Luis Abinader avait lui aussi classé 26 gangs haïtiens comme organisations terroristes, renforçant ainsi les contrôles à la frontière et menaçant toute infiltration de poursuites sous la loi antiterroriste dominicaine.
Un changement de paradigme
Cette nouvelle approche pourrait marquer une rupture historique dans la gestion de la crise haïtienne par la communauté internationale. Elle reflète une volonté croissante de traiter les gangs non plus comme de simples groupes criminels, mais comme des acteurs insurgés ou terroristes, justifiant une réponse militaire, diplomatique et juridique à l’échelle régionale. Une fois les gangs qualifiés de terroristes, quelle sera la prochaine étape ? La traque, la capture ou simplement plus de sanctions ?