AYITI AN AVAN

Port-au-Prince, vendredi 9 mai 2025 – L’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a transmis à la justice, ce jeudi 8 mai, une série de rapports explosifs qui révèlent des pratiques systématiques de corruption au sein de plusieurs institutions publiques haïtiennes. Trois hauts responsables sont particulièrement visés : Renan Hédouville, ancien Protecteur du citoyen ; Dr Carl François, ancien directeur général de l’OFATMA ; et Stéphane Vincent, ex-DG de l’Immigration et de l’Émigration. Ils sont accusés, entre autres, de détournement de fonds publics, de passation illégale de marchés et de prise illégale d’intérêts.

ULCC
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Un système judiciaire à renforcer d’urgence

Face à ces révélations, Me Hans Ludwig Joseph, responsable au sein de l’ULCC, appelle à un renforcement urgent du système judiciaire haïtien. Il plaide pour un pôle judiciaire spécialisé dans les crimes financiers, doté de magistrats compétents, d’un budget conséquent et d’une autonomie réelle.

« Nous devons aller au-delà des intentions. Il faut des résultats concrets, des procès équitables, des sanctions exemplaires », déclare-t-il.

Passeports falsifiés : 556 cas documentés

L’un des rapports les plus alarmants concerne la Direction de l’Immigration. Selon l’ULCC, 556 passeports ont été fabriqués avec de faux timbres fiscaux entre septembre et novembre 2024, période durant laquelle la DGI était en grève. L’enquête révèle que ces opérations frauduleuses ont été réalisées via le compte système personnel de l’ex-DG Stéphane Vincent, dissimulé sous le nom de Fernando Victor.

L’ULCC recommande des poursuites contre Vincent et plusieurs employés impliqués, notamment Mariantha Merone, Lesly Saint-Juste et Rubens Pauléon.

OFATMA : contrat illégal avec une entreprise liée à MTVAyiti

Un autre dossier concerne l’ex-DG de l’OFATMA, Dr Carl François. Le 1er juillet 2022, il a signé un contrat de restauration avec l’entreprise Valcuisine, alors que celle-ci n’était pas encore légalement reconnue. Ce n’est que le 5 septembre que l’entreprise a été officiellement enregistrée. Or, la loi haïtienne exige que toutes les entreprises contractantes avec l’État soient en règle au moment de la signature.

Selon le rapport, Valcuisine est copropriété de Valérie Nadia Victor, membre du parti MTVAyiti comme Dr François, un parti dirigé par l’homme d’affaires Réginald Boulos. Ce dernier aurait d’ailleurs soutenu la nomination de François à l’OFATMA. Alors, pourquoi les personnalités qui appuient ou placent ces responsables restent-elles hors de portée de la justice ?

L’ULCC recommande des poursuites pour passation illégale de marchés publics et prise illégale d’intérêts.

OPC : une affaire familiale de détournement ?

L’ULCC n’épargne pas l’Office de la Protection du Citoyen (OPC). Le rapport souligne une gestion entachée de corruption sous l’ex-Protecteur du citoyen, Renan Hédouville. Il est accusé de détournement de biens publics et de contrats illégaux.

Plusieurs proches sont également dans le collimateur de la justice : sa fille, Régine Hédouville Louis (cheffe de cabinet), son gendre Tex Willer Louis, ainsi que Mimose Moyard et Juliane Thomas Simplice. Tous sont soupçonnés d’avoir activement participé au pillage des ressources de l’État.

Un système complice ?

Ces révélations mettent en lumière une chaîne de responsabilités : au-delà des auteurs directs, qu’en est-il des acteurs politiques et économiques qui ont placé ou soutenu ces responsables ? Pourquoi les parrains politiques échappent-ils à toute forme d’enquête ou de sanction ? L’impunité des élites est-elle le vrai frein à la lutte contre la corruption en Haïti ?

Urgence d’un sursaut national

Face à ces scandales successifs, l’opinion publique attend des réponses fermes. La mise en place du pôle judiciaire spécialisé est une étape indispensable. Mais sans volonté politique claire, indépendance judiciaire totale et pression citoyenne constante, ces enquêtes risquent de sombrer dans l’oubli, comme tant d’autres avant elles.