Le Président candidat à sa propre succession, Paul Biya, a été réélu selon ce qu’a affirmé la Commission nationale de recensement. Selon le décompte officiel, le Président du Rassemblement démocratique du peuple camerounais est donné vainqueur. Il aurait obtenu 53,66% des suffrages, ce qui le met devant son opposant Issa Tchiroma Bakary, qui, de son côté, en récolte 35,19%. Toutefois, ses résultats sont vivement contestés par une partie de la population et par l’opposant. Il aurait, selon lui, obtenu 60% des suffrages exprimés.

Les résultats des élections qui se sont tenues le 12 octobre doivent être proclamés au plus tard le 26 octobre par le Conseil constitutionnel.
Une élection tenue sous haute tension
Élu depuis 1982, le Président Paul Biya est l’un des chefs d’État les plus anciens encore en exercice en Afrique. Candidat aux présidentielles de 2025, il s’est présenté pour un nouveau mandat de 7 ans dans un climat politique, économique et social particulièrement tendu. Le scrutin s’est tenu dans une situation marquée par des conflits dans les régions anglophones, des attaques dans ceux du Nord, et un mécontentement économique de la population. Quant à l’opposition, elle était certes présente, mais divisée. Le candidat de l’opposition de 2018, Maurice Kamto, n’a pas pu se présenter. Ce qui a laissé champ libre à Issa Tchiroma Bakary, originaire du Nord du Cameroun.
Les élections qui ont eu lieu le 12 octobre se sont déroulées dans un climat de tensions. Des manifestations sporadiques ont éclaté à travers le pays dès la fermeture des bureaux de vote. Alimentées par des allégations de fraude électorale, ces manifestations ont eu lieu dans plusieurs régions. Dans le quartier de Marouaré, fief du candidat de l’opposition, des affrontements ont opposé les partisans de l’opposition aux forces de l’ordre. Un véhicule de la gendarmerie a été incendié à la suite de ces échauffourées.
A Douala, les forces de l’ordre ont dû intervenir pour faire évacuer lors d’une manifestation qui s’est tenue le 15 octobre, ayant recours aux jets d’eau et au gaz lacrymogène. Selon l’antenne régionale Elecam, c’est un malentendu qui est parti d’un faux constat. En effet, un passant aurait mal interprété le ménage des employés des urnes a crié à la fraude. Et c’est ce qui a dégénéré la situation, provoquant une réaction en chaîne.
Dans la région de l’Ouest, à Bafoussam, plusieurs personnes à bord de motos taxi s’étaient également rassemblées le 15 octobre. Ces rassemblements font suite à une rumeur circulant sur internet concernant des fraudes électorales possibles. Des protestations, parfois avec des manifestants qui chantent à la gloire du candidat Issa Tchiroma, ont eu lieu. Plusieurs dizaines de personnes ont été interpellées par la légion de gendarmerie de l’Ouest. Plusieurs motos ont également été saisies.
Même la ville de Dschang a été le théâtre d’une violence populaire. Encore une fois, les réactions suivent une allégation de falsification des procès-verbaux. La population, frustrée de ce que leur voix n’a pas été considérée, a pris d’assaut le palais de justice où se trouvait la commission départementale de supervision des élections. Une situation qui a vite tourné à la violence. Le palais de justice a été incendié, la maison du parti et plusieurs véhicules de la commune ont été incendiés. On s’en est même pris à la résidence du recteur de l’université de Dschang. Les forces de l’ordre ont pu permettre de limiter les dégâts, et une vingtaine de manifestants ont été arrêtés.
Toutefois, l’ambiance est tendue dans la ville, et plusieurs parents au lendemain ont préféré garder leurs enfants à la maison.
La position de certains candidats font polémique
Le climat politique est aussi marqué par la position de plusieurs candidats de partis, avec des positions parfois partagées et ambiguës qui n’ont pas cessé de semer le doute. Il faut mentionner que plusieurs partis ont pris part aux élections. Paul Biya (RDPC), Cabral Libii (PCRN), Joshua Osih (SDF), Issa Tchiroma Bakary (FSNC), Bello Bouba Maïgari (UNDP), Serge Espoir Matomba (PURS), Akere Muna (Univers), Pierre Kwemo (UMS), Tomaino Ndam Njoya (UDC), Ateki Seta Caxton (PAL), Bouhga Hagbe Jacque (MCNC), et Hiram Samuel Iyodi (FDC).
Le candidat du United Socialist Democratic Party (USDP), Michael Ekosso a apporté son soutien au Président Paul Biya. Alors qu’une figure politique comme Anicet Ekane déclare que Bakary est le troisième Président du Cameroun. Quant à Bakary lui-même, il avait dans un discours diffusé sur les réseaux sociaux, salué sa victoire et appelé à la reconnaissance de la volonté du peuple.
Le candidat du PAL, Caxton, a félicité Tchiroma Bakary pour sa performance. Il a également souligné la triomphe du peuple camerounais, et salué les années de service du Président sortant. Ce qui d’une certaine manière, laisse croire qu’il reconnaît la victoire de l’un et la défaite de l’autre. Dans une déclaration du 17 octobre, Maurice Kamto, figure de l’opposition, avait pris la parole pour saluer la participation massive des électeurs. Il a également exprimé son inquiétude face aux tensions qui alimentent le pays. Puis évoqué les souffrances qu’a déjà vécues le peuple camerounais par la pauvreté ou les conflits. Il a appelé à éviter de nouvelles confrontations. Kamto a appelé au respect du choix des électeurs, et à ne pas modifier la parole des urnes. Par ailleurs, il faut rappeler que la candidature de Kamto a été rejetée par le Conseil constitutionnel.
Le secrétaire du RDPC s’est dit déçu que l’opposant n’ait pas condamné fermement les fraudes du processus électoral. Certains candidats, quant à eux, jouent sur la prudence. Ils exhortent leurs partisans à la patience, et au respect des organes supervisant les urnes. Le candidat du Parti SDF, malgré qu’il reconnaît que son parti a été défavorisé, a salué le verdict, et promis de respecter la décision du Conseil Constitutionnel. L’UNDP a de son côté invité ses partisans à faire preuve de calme et de maturité.
Par l’intermédiaire de son ministre d’administration territoriale, Paul Atanga Nji, le gouvernement a cherché à discréditer la victoire que réclame Issa Bakary. René Emmanuel Sadi, le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, a appelé au sens civique et patriotique des acteurs politiques de la société civile et des médias. Une intervention qu’ils ont faite suite à la déclaration de certains candidats qui se sont autoproclamés vainqueurs des élections. Une attitude que le gouvernement condamne. “Toute démarche contraire à la loi constitue une atteinte grave à la réglementation en vigueur”, a souligné le ministre de la Communication.
En attendant la déclaration du Conseil Constitutionnel, la situation reste tendue au Cameroun.

