Cameroun, lundi 27 octobre 2025 – Le président camerounais Paul Biya, âgé de 92 ans et au pouvoir depuis 1982, a été réélu pour un huitième mandat consécutif avec 53,66 % des voix, selon les résultats officiels proclamés ce lundi 27 octobre par le Conseil constitutionnel.

Ce scrutin du 12 octobre marque l’une des élections les plus contestées de son long règne, dans un pays où les divisions politiques, sociales et régionales s’exacerbent depuis plusieurs années.
Un scrutin plus serré qu’attendu
Contrairement aux élections précédentes, où Paul Biya remportait largement plus de 70 % des suffrages, le vote de 2025 a été nettement plus disputé.
Son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre et ex-allié du chef de l’État, a obtenu 35,19 % des voix, selon le Conseil constitutionnel.
Ce dernier a immédiatement rejeté les résultats, dénonçant une « mascarade électorale » orchestrée, selon lui, par un régime autoritaire.
« Il n’y a pas eu d’élection, mais une mise en scène », a-t-il déclaré à l’AFP, affirmant avoir remporté entre 65 et 70 % des voix.
Des violences post-électorales meurtrières
La proclamation des résultats a provoqué une série de manifestations dans plusieurs villes, notamment à Douala et à Garoua, bastion de Tchiroma.
Selon les autorités locales, quatre personnes ont été tuées à Douala, la capitale économique, lors d’affrontements entre manifestants et forces de sécurité.
Des témoins rapportent que la police a d’abord utilisé du gaz lacrymogène avant de tirer à balles réelles pour disperser la foule.
À Garoua, des milliers de partisans de l’opposant se sont rassemblés autour de son domicile, malgré l’interdiction des rassemblements.
« Je leur demande de rester calmes mais de former un bouclier humain autour de ma maison », a déclaré Issa Tchiroma. « Mon corps vivant ne sortira pas d’ici », a-t-il ajouté.
Des mesures de sécurité renforcées
Face au climat explosif, le gouvernement a déployé un important dispositif sécuritaire dans les grandes villes.
À Yaoundé, la capitale politique, des patrouilles mixtes de police et de gendarmerie ont été placées aux principaux carrefours, tandis que des véhicules blindés surveillaient les zones sensibles.
Plusieurs commerces et stations-service sont restés fermés, et la circulation dans la ville était particulièrement fluide lundi matin, signe de la crainte de débordements.
Les autorités affirment vouloir « assurer la sécurité du processus électoral et prévenir tout désordre ».
Une longévité politique sans précédent
Âgé de 92 ans, Paul Biya demeure le plus vieux chef d’État en exercice dans le monde.
Arrivé au pouvoir en 1982, il est seulement le deuxième président de l’histoire du Cameroun depuis son indépendance en 1960.
Malgré les crises économiques, les accusations de corruption et les conflits dans les régions anglophones depuis 2016, il a su conserver le contrôle du pays grâce à un appareil politique solide et une répression systématique de l’opposition.
Pour ses partisans, il incarne la stabilité. Pour ses détracteurs, il symbolise un régime verrouillé, sans alternance démocratique depuis plus de quatre décennies.
Résultats détaillés du scrutin
Outre Paul Biya (53,66 %) et Issa Tchiroma Bakary (35,19 %), le Conseil constitutionnel a annoncé :
- Cabral Libii : 3,41 %
- Bello Bouba Maïgari : 2,45 %
- Hermine Patricia Tomaïno Ndam Njoya : 1,66 %, seule femme candidate
- Les huit autres candidats n’ont pas dépassé 1 % des voix.
La participation électorale s’est établie à 46,31 %, un taux relativement faible au regard de la mobilisation observée dans certaines régions.
Un pays sous tension
Dans une brève allocution après l’annonce des résultats, Paul Biya a déclaré :
« Mes premières pensées vont à tous ceux qui ont perdu la vie lors des violences post-électorales. »
Il a appelé la population au calme et à la réconciliation, tout en réaffirmant sa volonté de poursuivre la stabilité du pays.
Cependant, de nombreux observateurs internationaux et organisations de défense des droits humains dénoncent une élection entachée d’irrégularités, de fraudes et de violences.
La situation demeure tendue, et la contestation portée par Issa Tchiroma Bakary pourrait encore provoquer de nouvelles mobilisations dans les prochains jours.
Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, prolonge encore son règne à la tête du Cameroun malgré une élection contestée, marquée par la violence et un mécontentement populaire croissant.
Son opposant, Issa Tchiroma Bakary, refuse d’admettre sa défaite et promet de poursuivre la lutte, dans un pays plus divisé que jamais entre fidélité au pouvoir en place et désir profond d’alternance.

